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  • La confiance en soi

    Septembre 2020

    Étrangement, développer de l’assurance et éloigner le doute n’est pas si difficile. Mais si l’on cherche à développer une profonde confiance en soi, nous parlons d’une toute autre aventure.

    Force

    La confiance qui nous donne de l’assurance et de la conviction est un atout puissant. Elle nous rend comme invincible. Elle écarte le doute et nous permet de nous affirmer. L’indécision laisse la place à l’aplomb et parfois même - à l’audace. Une telle confiance vous donne souvent du crédit, elle vous protège de la critique.

    Son pouvoir prend sa source dans la répétition. Elle rassure par la continuité. Cet homme est très ponctuel, il le démontre à chaque fois. Cette femme a des idées brillantes, c’est systématique. Je confie mes enfants à cet homme, car je l’ai déjà fait. La confiance se joue dans le temps. Elle nous permet de voir le monde d’aujourd’hui à la lumière du passé. En quelque sorte, elle repose sur les piliers anciens, sur leur éclairage pour nous expliquer ce qui va arriver et tenir à distance la peur. Celle de l’inconnu.

    Cette confiance de l’assurance est assez facile à construire et nécessite de la répétition. Elle demande de mettre le doute de côté et de privilégier la rigueur. L’Homme développe vite des habitudes quand il est régulier et systématique. Avec cette force du connu, nous voilà capables d’expliquer de qui nous arrive avec aisance, nous voilà capables de prolonger notre savoir. Nous gardons le cap. J’ai confiance en cette méthode, elle nous vient du passé. J’ai confiance en cette valeur, tant de personnes la partagent. J’ai confiance en l’Homme, il trouve toujours des solutions. Celui qui a confiance en lui, n’est plus paralysé par le doute, il s’appuie sur ce qu’il connait, et n’en déviera plus.

    Cette force de l’assurance et de la conviction serait magnifique si elle n’imposait pas la continuité. La prolongation. Qui peut encore écouter la parole de l’autre, quand sa propre confiance ne peut être ébranlée ? Celui qui possède « La vérité » peut-il accepter l’erreur ou envisager le changement? Une forte assurance nous rend imperméables aux idées nouvelles. Notre force de conviction écrase les valeurs différentes. En un sens, être sûr de soi nous isole et nous rend aveugle. Est-ce bien ce que nous cherchons ? Existe-t-il une conviction raisonnable qui laisse place au doute ? Un dosage idéal entre assurance et remise en question ?

    Nous cherchons une confiance qui n’entraine pas la dépendance. Car que voyons-nous autour de nous ? Les Hommes sont suiveurs, ils adorent faire confiance. Leur leader sera parfois politique, spirituel ou religieux. Ce sera un auteur, un scientifique, un proche. Quand l’attachement est fort, notre dépendance devient extraordinaire. Quand l’idée est affirmée avec répétition et puissance, elle fragilise notre résistance. Il existe des idées qui sont si dangereuses, que nous n’y pensons jamais. On les appelle des préjugés. Ils se produisent avant que l’on juge et nous conditionnent avant que l’on agisse. Ils se prolongent sans se faire remarquer.

    Sensibilité

    Dans une direction totalement différente, il existe une confiance de la sensibilité. Une confiance qui n’accumule rien. Une confiance qui ne prolonge pas. Elle ne vous demande pas de vous endurcir et de renforcer peu à peu un message, mais au contraire de vous interroger, de douter et de vous révolter contre toutes les croyances continues. Toujours neuve, elle se contente d’observation et de compréhension. Elle fait la chasse aux idées et aux convictions. Elle refuse les valeurs et les préjugés. Elle tire sa puissance dans votre capacité – toute personnelle – à vous approcher des choses pour les comprendre par vous-même, plutôt que d’en accepter un descriptif, une idée, un résumé. C’est la confiance bien réelle de la compétence maîtrisée, de l’information prise sur le terrain et de la réalité du moment.

    Cette confiance possède la force indiscutable d’une actualité. Son impact est immédiat. C’est l’arbre dans mon jardin et pas celui que j’achèterai. C’est le compagnon qui vous tend la main et pas celui que vous attendez. C’est l’opportunité qui se présente, et pas celle que vous souhaitez. Aucune répétition n’est nécessaire à cette confiance-là, elle ne crée aucun doute. Elle est si forte qu’elle supporte toutes les comparaisons. C’est le doute sincère qui balaie les convictions et les préjugés. Celui qui dissipe en un instant les vieilles idées auxquelles on s’accroche. L’esprit est comme nettoyé. Il devient clair, capable de voir et de changer du tout au tout. Il laisse enfin entrer le neuf.

    La confiance en soi – véritable – n’est pas une confiance de seconde main. On ne la délègue pas. Elle ne consiste pas à affirmer des croyances, mais à développer une profonde capacité - personnelle – à voir clair à travers les préjugés. C’est la confiance de l’attention au réel, de l’observation des faits et de la vérification des informations. Elle n’entraine aucune dépendance, aucune fragilité. Votre solidité ne dépend plus du jugement des autres. Vous avez dépassé les besoins de répétition et de continuité.

    Cette confiance sensible n’exclut pas la relation, l’écoute, et l’approbation dans vos futures discussions. « vous avez raison » direz-vous à l’autre. Non pas parce-que vous lui ferez confiance, mais bien parce que par vous-même, vous aurez la capacité de voir le vrai ou le faux dans son discours. Sans aucune dépendance. Par la seule puissance de vos observations. Pour le dire simplement, ce n’est pas l’idée de l’Homme que vous acceptez, c’est uniquement la vérité de ce qu’il a observé. L’actualité dans ce qu’il vient de dire ne lui appartient pas plus qu’à vous.

    Une telle confiance en soi peut bien sûr se développer, mais elle demande d’être exercée. Il est impossible de l’encourager en faisant sans cesse l’inverse. Votre jugement ne doit pas être une comparaison à vos idées passées ou à celles d’un autre. Il doit être une observation du réel, une proximité avec les faits. La confiance en soi ne devrait jamais exiger de fermer les yeux sur le réel pour continuer à exister. Comme toute chose que l’on pratique, vous pouvez la faire croitre, l’apprivoiser et la développer. Mais pour cela notre habitude à suivre et à dépendre doit être bien comprise. Et cesser.

    Notes

    [1] : Note


    Merci à Fabrice Jimenez, Gaëlle Albertus, Liliane Bonnet et Coralie Marcadier pour avoir relu cet essai.

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